Cerf-volant, exotisme et voyage sentimental
Lundi 28 novembre 2022 s’est tenue la journée d’étude du post-diplôme Kaolin « Cerf-volant, exotisme et voyage sentimental ». Post-diplôme 2020-2022 avec Agathe Girard, Marion Chambinaud et Olivier Shaw, sous la co-direction de Delphine Gigoux-Martin et Guy Meynard.
C’est lors d’un voyage retour que Victor Segalen projette d’écrire sur l’exotisme et déjoue les points de vue européocentriste en soutenant que l’exotisme essentiel « est celui de l’objet pour le sujet ». L’ambivalence des choses. Comment être capable de mettre les mondes en histoire ? de les « dire » et de les mettre en forme? Comment mettre dans des perspectives artistiques ce que l’on a vu, perçu, vécu ou peut-être juste cru ? Comment restituer le voyage et nos expériences ? celles de l’atelier et de la vie quotidienne au travail… Comment raconter une histoire, une aventure, un travail ? Tout l’enjeu « d’un retour » se pose précisément dans cette problématique. Laurence Sterne dans le voyage sentimental aborde ces questions à travers l’écriture du roman et les décalages opérés. Que faire de l’impression du voyage ? Comment être capable de s’en faire l’écho ? de passer du banal à l’insolite, de l’ordinaire à l’émerveillement ? Comment transformer l’expérience en des pulsions créatrices porteuses de sens et de formes ? Comment replacer la question de la porcelaine au sein de l’expérience plastique ? Et si comme l’exprime le poète Yves Bonnefoy, le rêve serait « de vivre dans l’intensité d’un lieu particulier, d’un moment précis » comment alors provoquer l’expérience contrariée d’un voyage en Chine, rendu impossible par la pandémie ? Cerf-Volant, exotisme et voyage sentimental a alors ouvert un axe de réflexion, où s’est inscrit le Portugal comme lieu important et sensible dans l’écriture des liens entre l’Europe et l’Asie, entre Limoges et Jindghezen. Penser à la Chine et à la Porcelaine, c’est aussi évoquer les grandes expéditions à l’exotisme conquérant … De Lisbonne à Porto en remontant par la côte retrouver ce goût des amarres larguées, pister la porcelaine et les décors peints… S’enivrer du baroque et garder dans son sextant la Chine comme un mirage. Plein Ouest pour regarder à l’Est : première digression d’un long périple. C’est un peu dans ce jeu de décalage que le voyage au Portugal s’est organisé. Avec une industrie d’excellence qui exploite argile, forêts et mers ce premier regard sur les échanges fructueux entre la production chinoise et européenne nous met en perspective des apports réciproques. Convoquer le Portugal, c’est aussi avoir dans son horizon l’océan. Frontière naturelle ouverte à l’imprévisible, l’océan diffracte plus qu’il ne concentre, brasse les oppositions, et dans ses vagues, contient autant de promesses de départs que de retours.
La mise en miroir des différentes expériences vécues a déployé, pour chacun dans une entière autonomie de pensée, des angles d’approches techniques, intellectuels, et a ré-inventé et ouvert sur les questions légitimes de la création contemporaine. C’est aussi une aventure collective qui multiplie les possibles pour chacun et enrichit l’effervescence d’une pensée dynamique co-construite. Entrevoir des perspectives géographiques, littéraires, techniques, philosophiques, artistiques etc, c’est créer un atelier nomade, où la fascination pour le dehors, le déplacement, le mouvement nous ouvre à l’Autre.
Programme
- 10h30 : présentation générale par Delphine Gigoux-Martin
- 11h00 : Arnaud Dubois, Le regard d’un anthropologue
- 11h40 : Marion Chambinaud, « Le souffle du dragon »
- 12h00 : pause déjeuner
- 14h00 : François Coadou, « Ba-ta–clan : l’exotisme, au crible de Jacques Offenbach (et Ludovic Halévy) »
- 14h40 : Olivier Shaw « La Nature-morte et la chambre aux assiettes »
- 15h00 : Agathe Girard « Marcognac : une carrière et des galets »
- 15h20 : Marion Chambinaud « La céramique, une histoire d’empreinte ? »
- 15h40 : Delphine Gigoux-Martin « Les merveilles du voyage, des récits et les ratés de l’aventure »
- 16h00 : Marion Chambinaud « Le piquet de la vallée du Foz Coa »
- 16h10 : Olivier Shaw « Des azuleros aux enjoliveurs »
- 16h20 : Agathe Girard « le devisement du monde avec des hexagones pour une carte »
- 16h30 : Delphine Gigoux-Martin, une tentative de conclusion
- 16h45 : questions / intervention du public
En parallèle de cette journée d’étude, certaines pièces réalisées dans le cadre de ce post-diplôme ont été présentées en galerie 1.