ARC(S)
Les ARCs (Ateliers de recherche et de création) sont des temps collectifs interdisciplinaires d’enseignement réunissant au moins deux enseignant·es à partir d’une problématique de recherche définie et auxquels tous et toutes contribuent.
L’objectif pédagogique de ces ateliers est de préparer les étudiant·es à la pratique de la recherche en art et en design, en insistant sur la spécificité méthodologique, contextuelle, conceptuelle et pratique d’une telle recherche. Le choix d’un ARC engage l’étudiant·e pour l’année complète.
ARC Chromoculture – Cultiver la couleur par l’art et le design
Avec Cécile Vignau, Flavie Cournil, Clara Guislain, Arnaud Dubois (intervenant, chercheur au CNRS) et Clara Salomon.
Alors que la couleur synthétique pollue l’air et de nombreux cours d’eau à travers le monde, ce projet propose de réfléchir collectivement à des pratiques de colorations écologiques. Débuté en 2021 avec une reconfiguration des ateliers « Teinture et Développement argentique », le cœur du projet se situe dans le parc de l’Ensad Limoges avec le jardin-laboratoire « Chromoculture ». Composé d’environ 50 espèces différentes de plantes à couleurs, il a été imaginé par l’artiste-botaniste Liliana Motta en collaboration avec les étudiants·es de l’ARC (conception, tracé, paillage, plantation) et l’aide d’acteurs locaux (agriculteurs·trices, associations, collectivités territoriales…).
En 2023-2024, l’ARC se poursuit au travers de différents chantiers collectifs et individuels, et notamment la conceptualisation d’une recherche personnelle autour des problématiques que soulève l’ARC Chromoculture : sources actuelles des couleurs écologiques, pollution des cours d’eau et de l’air due à l’industrie des colorants, rapport au patrimoine coloré local, recherches botaniques sur les plantes à couleur, travail de documentation du projet sous la forme de photos/film argentiques et d’édition avec des empreintes environnementales faibles… Pour nourrir ces projets, des temps de workshop ainsi qu’un voyage d’étude sont à construire collectivement. Des apprentissages théoriques sur les enjeux écologiques des pratiques de coloration (teinture, impression, émail…) sont aussi régulièrement proposés.
Enfin, des temps de rencontre ponctuels sont imaginés avec l’ARC Expérience du territoire pour croiser les enjeux communs et complémentaires, avec notamment l’organisation d’une journée d’étude sur les bio-régions et d’une exposition collective en fin d’année.
L’ARC Chromoculture a été soutenu deux années consécutives (de 2021 à 2023) par le dispositif de professionnalisation « CulturePro » du ministère de la Culture. À partir de 2023 et pour les 3 prochaines années, le projet est appuyé par une aide de la région Nouvelle-Aquitaine dans le cadre de son appel à projet « Favoriser la réussite étudiante ».
ARC Expérience du territoire
Avec Vincent Carlier, Nicolas Gautron, Dominique Mathieu.
« Discover « where we are » as an antidote » (Robert Tayers)
Inscrite dans son milieu, l’Ensad Limoges se situe dans le bassin versant de la Vienne et de la Loire. Du toit de l’école à l’océan Atlantique en passant par la Vienne, l’eau dessine un territoire qui dépasse les limites de nos localités administratives et compose un système qui pourrait bien être le terreau d’une meilleure manière de percevoir, habiter et incarner un territoire.
« La connaissance du bassin-versant et le bio-régionalisme ne sont pas uniquement de l’écologisme, pas uniquement un moyen de résoudre les problèmes sociaux et économiques, mais un changement d’attitude qui vise à résoudre les problèmes naturels et sociaux à travers la pratique d’une citoyenneté profonde ancrée à la fois dans le monde social et naturel. Si le sol devient notre terrain d’entente, le dialogue collectif (humain et non humain) va pouvoir recommencer. » (Gary Snyder).
Le bassin-versant, espace des interdépendances des milieux de vie, est à la fois le territoire d’étude et un sujet de recherche central. Nous tentons de découvrir et comprendre « où nous sommes ». Nous nous interrogeons sur ce que signifie vivre, travailler, manger, aimer… en relation avec des zones définies naturellement et pas politiquement. Nous cherchons à comprendre comment les pratiques de l’art et du design peuvent accompagner les changements de paradigmes nécessaires à l’heure des crises environnementales pour construire de nouvelles relations au monde.
Ainsi, l’art et le design sont interrogés en tant qu’outils actifs de transformations sociétales, activateurs d’expériences sensibles des lieux, leviers d’écritures sensibles des lieux ou encore éléments de construction d’une conscience écosystémique.
Différentes collaborations avec l’ARC Chromoculture sont programmées, parmi lesquelles une journée d’étude sur le bio-régionalisme et une exposition collective en fin d’année.
Crédit photo : Estelle Majani
ARC Nouvelles gestualités
Indiana Collet-Barquero, Fabrice Cotinat, Jessie Derogy et Benjamin Sebbagh.
Cet ARC souhaite placer les gestes de métier comme « archives vivantes » et sources d’étude qui nourrissent un travail en lien avec les technologies immersives et numériques dans le champ de l’art et du design pour des créations protéiformes, pluridisciplinaires et multimédias.
L’étude située des gestes de métiers permet de dégager leur dimension à la fois générique, performative et fonctionnelle, voir fictionnelle. L’action et le mouvement inscrits dans l’étymologie du mot geste (du latin gestum), soulignent un savoir de l’action. Ainsi, de la peinture de genre, à la culture matérielle des objets d’usages et d’exceptions, aux chorégraphies de danses, les gestes de métier n’ont cessé d’être une source pour la création et questionne, au-delà de leurs natures, leur exposition. À partir de la récolte de ces gestes (immersion, expérimentation, enquêtes et archives) qu’ils soient traditionnels, industriels, numériques et interactifs, l’objectif est de faire émerger des processus en cours de transformation qui peuvent ensuite être réinvestis dans les différentes pratiques de l’étudiant·e.
L’exploitation de ces données se fait par le prisme des nouvelles technologies (RV-RA, algorithmes, automatisation, IA, métavers, impression 3D…etc.) et de la robotique, pensés comme outil de création et d’élaboration. Ces expérimentations dessinent un rapport au monde non standardisé et donnent forme à des créations technologiques plurielles, sensibles, qui sortent du modèle applicatif des outils « prêts à l’usage ».
Les méthodologies croisées et les coopérations inter-catégorielles non seulement permettent de revisiter notre rapport aux savoirs mais modifient également notre manière de « fabriquer ».
En 2023 et 2024 l’ARC Nouvelles gestualités est soutenu par le dispositif de professionnalisation CulturePro du ministère de la Culture. En 2024, il bénéficie aussi d’une dotation au titre de l’appel à projets Recherche dans les écoles supérieures d’art et de design (RADAR).
ARC Images & co-imaginaires – Le lieu des images
Avec Delphine Gigoux-Martin, Clara Guislain, François Coadou, Pierre-Emmanuel Meunier.
Si l’image, dans son histoire, est une forme qui ramène l’absent ou fait apparaître le présent, elle est une substitution qui dans sa représentation formule un acte. Pour Hans Belting, le fait que nous vivons avec des images et que nous appréhendons le monde à travers les images ne peut se comprendre complétement que dans la formule image-médium-corps. L’expérience du corps comme medium vivant est alors fondamentale dans l’expérience qu’elle permet de la perception des images. Dans ces perspectives croisées de – « l ’image est acte » (H. Lefèvre) et l’image corps médium – l’être humain qui est touché par l’image et ses effets, provoque à son tour une interaction avec celle-ci. Cette puissance de « l’agir des images » (P. Descola), s’établit au travers d’une dialectique complexe où le producteur de l’image, l’image elle-même, le spectateur qui la regarde et le contexte culturel dans lequel production et réception ont lieu, produit des expressions de sens différents selon les contextes historiques, culturels ou sociaux. Michel Le Certeau énonce une perspective épistémologique hétérologique qui sort l’image de toute logique identitaire univoque et insiste sur la perpétuelle transformation et redéfinition de l’image. Ainsi le sens d’une image ne serait jamais donné une fois pour toutes et proviendrait de multiples facteurs où la rencontre et confrontation prennent force. L’image implique alors un acte de réception de sa contemplation qui déclenche des actions et réactions chez l’observateur, donnant aux images une nature active dans leur rôle constitutif de l’expérience : « les images ne peuvent pas se situer devant ou derrière la réalité, puisqu’elles contribuent à la construire. Elles ne sont pas une réalité dérivée, mais une forme qui constitue une condition nécessaire de la réalité » (H. Bredekamp).
Alors, dans ces expériences de l’image et de leur puissance effective, l’image peut-elle dans son rapport au lieu, à son lieu, provoquer des expériences sensibles autres ouvertes aux mondes multiples que nous habitons et qui nous habitent ?
L’articulation entre l’image et « le lieu physique ou mental » peut-elle permettre la création de pensées inédites ? offre-t-elle de nouveaux imaginaires ? et dans un effet boomerang nous permet-elle une réflexion plus aigüe sur les enjeux des désirs d’images virtuelles ou immersives ?
ARC Artificium
Monika Brugger, Terhi Tolvanen, Fabrice Caravaca, Ken Peat et Jean Savard.
Intervenant·es pour la Hochschule Trier – Campus Idar-Oberstein : Julia Wild, Cornelia Wruck, Levan Jishkariani, Theo Smeets.
Les parures, ou plus largement tous les ornements corporels, sont les symboles de notre appartenance sociale, et de nos appartenances qu’elles soient professionnelles, politiques ou plus particulièrement de notre conscience physique. Ils sont des objets anthropologiques, issus de la culture savante autant que populaire. Ils sont pour certains d’entre eux les éléments d’étude de notre monde matériel, celui-là même qui participe à construire et reformuler la société. Ils contribuent à construire nos appartenances, et ainsi concevoir le sentiment d’identités multiples. Ces éléments de construction figurent aujourd’hui un double engagement, celui du « faiseur » comme celui du porteur ou de la porteuse, sans oublier les spectateurs et spectatrices.
Les ornements corporels occupent des territoires divers : le corps humain – son territoire de prédilection, le territoire pour leur fabrication – où le bijou d’art contemporain s’empare de nouveaux territoires de la pensée et de la création contemporaine, et les territoires de leur monstration, ceux qui les rend visibles et lisibles : les espaces publics ou sociaux et qui posent des questions encore différentes, mais essentielles.
Dans cet échange d’appartenances et d’identités, les ornements occupent des territoires géographiques, linguistiques, sociologiques, philosophiques, esthétiques et enfin pour résumer, surtout politiques avec plusieurs protagonistes – faiseur et porteur – sans jamais oublier le troisième protagoniste à ces échanges, les spectateurs comme Georg Simmel les a nommés dans son essai « Psychologie de la parure » en 1906.
Les ornements corporels engagent des gestes, ceux de l’artiste, du designer, de l’artisan. Ils produisent des gestes par leur mise en place, souvent représentée dans les tableaux de l’histoire de l’art classique. Ils provoquent à leur tour des gestes et façonnent peut-être une fois portés de nouvelles attitudes et perceptions physiques.
Les ornements produisent des images, réelles, conceptuelles, fictionnelles ou métaphoriques. Des images en constant changement, en évolution, provoquées par des engagements multiples issus de la perception du porteur ou de la porteuse liée à un ensemble de facteurs, entre autres ceux de l’évolution de la perception du corps.
Ils produisent des images réelles, celles qui sont utilisées pour la « fabrication » de l’objet lui-même, et qui sont aussi liées à l’évolution des techniques de fabrication. Comme celles que le « faiseur » perçoit durant la fabrication de son « objet ».
Les ornements permettent de produire des images de représentation de soi ; parfois concrètes ou éphémères, souvent authentiques, théâtrales, sincères ou rêvées, mais toujours dans le but de rendre sensibles et visibles les humains dans leurs différences.
Dans cet ARC, il s’agit donc d’aborder la question de l’ornement corporel comme objet social qui réinvente l’humain et crée une interface entre l’intime et le public. Il est nécessaire de créer ensemble un territoire d’échanges où il est possible de partager ses recherches sur la question des appartenances. L’ARC Artificium propose de les explorer et de les rendre visibles.