Estelle Majani

Tels des fantômes traversant les murs ou errant dans un coin, les œuvres d’Estelle s’intéressent aux lieux transitoires, aux zones de seuil qui parcourent nos espaces contemporains. En passant par la sculpture, l’installation, l’image imprimée ou le texte poétique, l’artiste explore ces endroits particuliers qu’iel désigne « entre-lieux ». Comment regarder ces espaces liminaux, à la frontière de nos perceptions, qu’on emprunte par habitude mais que l’on ne remarque même plus ? Se réappropriant les objets qui scindent, cloisonnent nos intérieurs et qui contraignent nos déplacements comme les murs, les portes ou encore les ascenseurs, Estelle donne à voir et rend palpable les angles morts de nos environnements clos. Oscillant entre présence et absence, l’artiste crée des zones de percée vers des espaces négligés. Les formes flottantes ou floues surgissent dans le réel, comme tout droit sorties d’une faille. Elles semblent fragmentées, suspendues dans l’espace-temps indéterminé de la galerie. Le contexte du white cube n’est plus simple support des œuvres mais devient sujet de recherche à part entière, participant à l’atmosphère pesante et omineuse des pièces. Les formes et matériaux employés, comme la cotte de maille ou les objets industriels (carrelage, verre, barre métallique ou rideau en PVC) renvoient à des lieux troubles, non situés, mais qui peuvent rappeler des espaces contrôlés, chargés d’une violence latente, comme les abattoirs, les usines, ou encore le milieu médical. Les images et objets pourtant familiers tombent dans l’étrangeté. Errant dans des limbes aux murs blancs et aux néons grésillant, le·a regardeur·se déambule à la manière d’un spectre à travers des morceaux de corps abandonnés.