Zhenyu Wu

Un jour, au début du XXI^e siècle, des enfants défavorisés en Afrique ont reçu des sacs à dos donnés par les États-Unis. Sur ces sacs étaient imprimés des personnages de mangas japonais, tandis qu’une petite étiquette portait ces mots : « Made in China ».

« Made in China » n’est depuis longtemps plus un simple concept géographique. Il s’agit d’un paysage de fabrication qui transcende les idéologies, traverse les régimes politiques et franchit les frontières culturelles.

Dans ce cadre narratif, je présente plus de 1 500 objets et événements fabriqués/passés en Chine – des objets que chacun·e de nous a probablement croisés ou utilisés au cours de sa vie. Depuis soixante ans, ces produits ont discrètement, légèrement, et de manière omniprésente façonné les détails de nos existences, jusqu’à former un vaste réseau narratif sans origine ni centre.

Cette installation, sous la forme d’un roman-paysage en papier, regroupe ces 1 500 objets en un livre de plus de 1 500 pages. Chaque page est posée à même le sol, telle une affiche de disparition, et attend qu’un·e spectateur·rice ou un·e habitant·e local·e, par sa marche, son corps ou son propre objet, vienne en écrire la suite, en combler les vides.

Comme dans Le Livre de sable de Borges, chaque fragment peut devenir un point de départ. À partir de ces éclats narratifs, chacun·e peut inscrire son histoire sur ce qui l’entoure – réécrire, réactiver, reconfigurer.

Ces objets nous placent face à une réalité inévitable : nous traversons sans cesse ces paysages de production.

Jusqu’à ce que, dans cette étendue fragile, nous entendions l’écho de nos pas – et de ceux de milliers d’autres.

Jusqu’à ce que nous parcourions à nouveau cette lisière – généreuse, exténuée, et silencieuse.